19 h 55 hier soir à Stuttgart. L'image est saisissante: alors que les Français, copieusement sifflés par leurs supporters, ne s'attardent pas sur la pelouse, courant se réfugier dans leurs vestiaires, les joueurs helvétiques, ovationnés, s'en vont saluer leur public. Annexant la ville souabe, les supporters helvétiques, regroupés en armée rouge pacifique, avaient, il est vrai, transformé hier le Daimler Stadion en Stade de Suisse. Pour ses retrouvailles entre amis, on en restera pourtant à un 0-0 des familles qui avantage plutôt des «bleu» fatigués. Dans l'éternelle théorie du verre à moitié plein, la Suisse pourra regretter le double sauvetage du pied de Barthez sur la tête de Gygax (65e). Ou le poteau trouvé par Barnetta, avec la collaboration de Senderos. Ou surtout la main volontaire de Frei, volant peut-être à... Djourou, arrivant dans son dos, le ballon de la victoire dans les arrêts de jeu (93e). Elle se consolera en songeant à la main de Müller, sur une frappe de Ribéry, privant la France d'un penalty (37e). Ou se remémorera, pour atténuer ses regrets, la frappe trop croisée de Dhorasoo, mourant à quelques centimètres du poteau (90e)...

Nul comme à Paris (0-0) ou à Berne (1-1), c'est malgré tout une bonne affaire pour la Suisse. C'est aussi la première fois de l'histoire, en sept participations à une phase finale (22 matches), qu'elle n'encaisse pas de but. Et ça, on le doit autant à Zuberbühler, en dépit de ses coutumières hésitations qui firent parcourir des frissons dans le dos des supporters suisses, qu'au comportement de toute la défense. Après un temps d'observation, les visiteurs, malgré un trop important déchet technique, ont parfaitement tenu le choc, réussissant à boucler Ribéry, présenté en face comme l'arme absolue. Et comme Thierry Henry, souffrant de la chaleur au même titre que Zidane, manqua d'explosivité - comme en témoignèrent ses deux frappes molles (39e et 45e) facilement captée par Zubi -, la Suisse, passé la première demi-heure, prit l'ascendant, donna du volume à son jeu. Idem après la pause. Lorsque, face à des «Bleu» lui abandonnant l'initiative, la Suisse fit mine de pouvoir passer l'épaule. Avant, dans un match qui vit M. Ivanov se singulariser en jouant inutilement du carton, de se contenter du match nul, la blessure de Degen, obligé de terminer son match sur une jambe, contraignant ses plans. Désormais débarrassée de l'ombre de la France qui avait mobilisé ses esprits jusque-là, la Suisse peut envisager son match contre le Togo avec sérénité. Une victoire à Dortmund contre les Eperviers de Lomé, et les huitièmes de finale lui tendrait déjà les bras. Surtout si la Corée, dans le même temps, s'en venait à plumer le coq...

Un match âpre à l'image du duel Müller-Henry [Keystone]
France - Suisse 0-0 Gottlieb-Daimler Stadion, à Stuttgart. 52 000 spectateurs (guichets fermés). Arbitre: M. Ivanov (Rus).
France: Barthez; Sagnol, Thuram, Gallas, Abidal; Wiltord (84e Dhorasoo), Vieira, Makalele, Ribéry (70e Saha); Zidane; Thierry Henry. Entraîneur: Domenech.
Suisse: Zuberbühler; P. Degen, Müller (75e Djourou), Senderos, Magnin; Barnetta, Cabanas, Vogel, Wicky (81e Margairaz); Frei, Streller (57e Gygax). Entraîneur: Kuhn.
Notes: La Suisse sans Vonlanthen (blessé) ni Huggel (purgeant hier son premier des six matches de suspension suite aux événements d'Istanbul). Température officielle de 31 degrés au coup d'envoi. 24e: un coup-franc de Barnetta, effleuré par la tête de Senderos, finit sur le poteau gauche de Barthez. Dès la 84e, Degen souffre d'une blessure à la cheville. La Suisse ayant déjà effectué ses trois changements, Kuhn recule alors Barnetta au poste de latéral droit. Avertissements: Magnin (41e, prétendue faute sur Henry), Streller (45e, réclamations), P. Degen (56e, accrochage avec Zidane sans gravité), Abidal (64e, pour avoir dégagé au loin le ballon alors que l'arbitre avait sifflé), Cabanas (72e, faute sur Sagnol), Zidane (72e, pour avoir joué trop rapidement un coup-franc), Sagnol (92e, pour avoir ceinturé un adversaire), Frei (93e, pour avoir essayé de marquer de la main). Coups de coin: 4-1 (1-0).

Duel Vogel-Zidane
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