Senderos en formation accélérée
29 mars 2006
Récemment, Philippe Senderos s'est rendu dans une bibliothèque du nord de Londres pour y rencontrer des enfants. Ce jour-là, il n'était pas question de football, mais bien de littérature. En effet, la visite de l'international suisse était programmée dans le cadre d'une opération visant à encourager la lecture chez les plus jeunes.
Pour le défenseur d'Arsenal, l'éducation est une question fondamentale. Après avoir concilié ses activités de footballeur professionnel et d'étudiant jusqu'à l'âge de 18 ans, il suit désormais une formation accélérée dans le championnat anglais. A n'en pas douter, plus d'un joueur de son âge aimerait bénéficier de telles conditions de travail.
Senderos est l'un des éléments-clés de cette nouvelle génération de footballeurs suisses qui ont choisi de s'expatrier très jeunes et qui seront probablement appelés à jouer un rôle déterminant dans le parcours de la Suisse en Coupe du Monde de la FIFA 2006. L'ancien capitaine de l'équipe suisse championne d'Europe U-17 en 2002 est arrivé à Arsenal en 2003 et, depuis, sa carrière a pris une nouvelle dimension.
Partir pour progresser
"Je ne veux pas paraître désobligeant, mais les joueurs suisses savent qu'ils doivent partir à l'étranger s'ils veulent évoluer au plus haut niveau, explique Senderos, qui a été le coéquipier de Tranquillo Barnetta, le joueur du Bayer Leverkusen. Je vois beaucoup de mes anciens partenaires en équipe U-17 quitter le pays à 18, 19 ou 20 ans. C'est une bonne chose pour l'équipe nationale, car cette situation leur ouvre de nouveaux horizons. La Suisse bénéficie incontestablement de toute cette expérience."
Pour s'en convaincre, il suffit de revoir les images de la victoire (2-0) de la Suisse sur la Turquie en match de barrage pour la Coupe du Monde de la FIFA 2006. Devant leur public, les Helvètes s'étaient imposés sur des buts signés Senderos et Valon Behrami, autre représentant de la génération 1985.
"La Suisse a beaucoup progressé en matière de formation. Aujourd'hui, ce travail commence à payer et de plus en plus de jeunes talents percent en première division. On les retrouve logiquement dans les différentes sélections nationales, rappelle Senderos, qui tient également à souligner le rôle essentiel joué par Kobi Kuhn, le sélectionneur national. Ceux qui l'ont connu du temps où il dirigeait la sélection U-21 savent qu'il a déjà fait beaucoup pour le football suisse. Nous avons d'excellentes relations. Lui aussi a été joueur de haut niveau et il connaît parfaitement le football."
Kuhn aime voir ses joueurs s'exprimer et, comme Arsène Wenger à Arsenal, il n'a pas peur de faire confiance aux jeunes. "Ils se ressemblent car tous deux aiment lancer des jeunes dans le grand bain, s'ils les croient capables d'apporter quelque chose à l'équipe. J'ai joué mon premier match en France. C'était en mars 2005. A l'époque, les Bleus étaient premiers de la poule, mais j'ai tout de suite senti que Kuhn avait totalement confiance en moi."
Un match qui soude un groupe
Depuis le résultat nul décroché au Stade de France, Senderos a été appelé à neuf reprises. Et, lorsqu'on lui demande quel match lui a paru le plus difficile, il n'hésite pas une seconde. Il s'agit évidemment de la rencontre disputée en Turquie. "Pour l'équipe aussi bien que pour moi, il s'agit d'une référence. C'est le genre de matches qui soude un groupe."
"Quand nous sommes arrivés en Turquie, nous étions vraiment sous pression. Nous menions 2-0 et nous savions qu'ils allaient se ruer à l'attaque. C'est le genre de match où les jeunes voudraient pouvoir se reposer sur les joueurs les plus expérimentés. Malheureusement, tout le monde est dans le même bateau. Il faut gérer la pression collectivement, car on ne peut pas s'en remettre à quelques individualités pour remporter ce genre de matches."
Malgré la défaite (4-2), les Suisses avaient assuré ce soir-là leur qualification pour leur première phase finale de Coupe du Monde de la FIFA en 12 ans. Pour Senderos, il y a des raisons d'être optimiste : "Après ce match, nous nous sommes mis à croire en nos chances". La prochaine étape consistera pour la Suisse à tenter de s'extraire du Groupe G, où elle partage l'affiche avec la France, le Togo et la République de Corée. Les retrouvailles entre Senderos et Thierry Henry, le capitaine des Gunners, sont donc programmées au 13 juin. "On ne sait jamais à quoi s'attendre avec lui", confie-t-il au sujet de l'attaquant français.
"C'est quelqu'un qui sent le jeu. Il agit souvent d'instinct, ce qui le rend très difficile à marquer. Il est toujours en train d'inventer quelque chose de nouveau. Je m'attends donc à une soirée très délicate face à lui." Toutefois, le défenseur suisse se refuse à tout défaitisme : "Les Français ne nous ont pas battus en compétition préliminaire (les deux matches se sont soldés par des résultats nuls). Ils ne sont donc certainement pas très enthousiastes à l'idée de nous retrouver".
Travailleur infatigable
Pour Senderos, la Suisse devra s'appuyer sur son point fort, "le jeu collectif", pour l'emporter. Mais la sélection helvète dispose aussi de plusieurs individualités "capables de faire la différence", à commencer par Alexander Frei et les milieux de terrain Johann Vogel, Ricardo Cabanas et Raphael Wicky. "Nous avons beaucoup de très bons joueurs. Il n'y a pas de mystère : quand on sait faire tourner le ballon, on pose très vite des problèmes à son adversaire."
Et lui dans tout ça ? En début de saison, Senderos avait essuyé quelques critiques mais, plus récemment, il a parfaitement assuré l'intérim en l'absence de Sol Campbell. Travailleur infatigable, il souhaite progresser "dans tous les domaines" : "Quand je joue, j'essaye de participer à l'organisation défensive. Cela signifie que je dois être parfaitement concentré. Une bonne vision du jeu est un élément indispensable à ce niveau. C'est un aspect que je dois encore travailler".
La Coupe du Monde de la FIFA 2006 sera sans aucun doute l'occasion pour lui de poursuivre son apprentissage.
